En septembre 2021, un sondage mondial révélait que 45 % des jeunes à travers la planète déclaraient souffrir d’« éco-anxiété ». Par éco-anxiété, comprenons l’angoisse provoquée par les menaces environnementales. Ainsi, 75 % des répondants jugeaient le futur « effrayant », 50 % se sentaient tristes, démunis ou coupables face à la crise climatique au point que 40% des sondés affirmaient ne pas désirer d’enfant afin de ne pas exposer leur hypothétique progéniture à des souffrances innommables. Gardant en tête qu’un sondage suggère bien souvent une idée mais dissimule l’essentiel, les élèves du lycée Sainte-Marie de Gray et les 4èmes du collège Ménans de Gy ont été interrogés sur leur rapport à l’avenir. Or, il s’est avéré que les résultats mentionnés plus haut entraient peu ou prou en correspondance avec les points de vue de ces jeunes Haut-Saônois. Comment, en la circonstance, allumer la lumière dans ce tunnel sans fin que semble vivre cette génération ? Comment faire en sorte que la société à venir ne se construise pas sur un socle désespéré ?
Le postulat porté par une certaine idée de la citoyenneté demeure inchangé : s’engager peut être une solution pour combattre un réel imparfait qui annonce un futur nébuleux. Ainsi le lycée Sainte-Marie a-t-il pris l’initiative d’organiser une séance ciné-débat le lundi 28 mars au cinéma Cinémavia de Gray pour les secondes, premières et terminales SAPAT (Service Aux Personnes et Aux Territoires), mais aussi pour les 4èmes du collège Ménans. Au total, ce sont pas moins d’une centaine d’élèves qui ont assisté à la projection du dernier film de Cyril Dion, Animal. Ce documentaire sorti en 2021 traite avec conviction de la sixième extinction de masse en cours et des remèdes pour l’éviter, à travers les yeux de ses deux principaux protagonistes : la jeune anglaise Bella Lack et le français Vipulan Puvaneswaran, 18 ans aujourd’hui. Ce film, particulièrement émouvant, a su toucher les consciences des élèves et rencontrer leur adhésion sur cette problématique de la santé planétaire.
Le co-bénéfice pour soi-même et le monde : un objectif ambitieux et réaliste
Une fois le film terminé, les spectateurs ont vu deux élèves de terminales, Chloé Bolmont et Noémie Marsot, prendre place sur le devant de la scène et, micro en main, annoncer les conditions du débat à venir avant de présenter les trois invités d’honneur de la journée : Vipulan, acteur du film, donc, et militant écologiste ; le docteur Alicia Pillot, médecin, conférencière et co-fondatrice de l’Alliance Santé Planétaire ; et Barbara Bessot-Ballot, députée de la première circonscription de Haute-Saône, notamment rapporteure pour avis sur les crédits alloués à l'Économie Sociale et Solidaire et rapporteure de la proposition de loi relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires, deux sujets traités dans le documentaire.
Préparés à cet exercice, les élèves posèrent un nombre conséquent de questions, aussi diverses que : si la vie a survécu à cinq extinctions de masse, pourquoi avoir peur de la sixième ? Rejoignez-vous le grand anthropologue Philippe Descola dans sa difficulté à savoir si l’être humain a une utilité sur Terre ? Doit-on forcément passer par l’émotion pour inciter à s’engager ? Lorsque l’on demande aux gens ce qui est le plus important pour eux, ils répondent la santé. Dès lors, pourquoi s’occuper de la santé planétaire alors que vous vous occupez déjà de la santé des humains ?
Une heure et demi d’échanges n’auront pas été de trop pour permettre à ces jeunes soucieux d’autre chose que d’eux-mêmes de comprendre que chacun, à son échelle, peut trouver sa place dans la marche pour la construction d’un monde meilleur, un monde possible et désirable. L’occasion, aussi, de rappeler que tout le poids de la Terre ne repose pas sur les épaules de cette génération, et celle-ci peut se délester d’une éventuelle mauvaise conscience en agissant au gré de ses propres convictions, mais aussi de ses capacités, en nuançant très vivement tout sentiment de culpabilité. L’horizon des possibles est ouvert : il s’agit de celui qu’ils choisiront.
Par ailleurs, cette centaine de chanceux aura pu noter que leur députée a chamboulé son emploi du temps pour prendre en considération leurs attentes et leur présenter le travail effectué à l’Assemblée, un docteur militant est spécialement venu de Lyon pour les rencontrer et répondre à leurs inquiétudes en leur proposant des voies de réflexions, et un jeune Parisien parti pour devenir une visage iconique de l’engagement citoyen de cette nouvelle génération leur prouver que lorsqu’il y a une volonté, il existe un chemin. En d’autres termes : si ces jeunes ont un avenir, ils peuvent désormais se convaincre qu’ils peuvent aussi avoir un futur.
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